Enfances

[Pour une meilleure lisibilité, je mets le nom du chapitre en image mais je rédige le texte, ça me permet au cas où de le modifier et de ne pas vous fatiguer les yeux. Bonne lecture]



Depuis "l'incident", la petite Kihaa ne sortait dehors que rarement. Pourtant, cela ne l'empêcha pas de lier des liens d'amité avec plusieurs enfants du village. C'étaient tous des garçons, pour une raison inconnue, la petite fille n'avait aucune affinité avec les autres filles. Tous les cinq, ils longeaient les bordures de la forêt, ils faisaient semblant de jouer aux chasseurs ou encore menaient une excursion dans le ruisseau qui alimentait le village. Kihaa s'entendait bien avec les quatre mais à l'aube de ses 8 ans, elle tissa des liens plus forts avec l'un d'eux. Ce jour là, Kihaa avait été au marché sans prévenir son père, elle avait rencontré une des filles qu'elle n'appréciait pas, une certaine Amanra. Les deux filles ne s'entendaient pas car Amanra trouvait un malin plaisir à humilier Kihaa dès qu'elle le pouvait. La provocation de celle-ci au marché la rendit furieuse au point de détruire par inadvertance les fabrications artisanales d'un marchand. Son père avait dû payer les dégâts. Il lui avait alors interdit de quitter la maison sous peine de sévères représailles. Un des garçons ,étonné qu'elle ne soit toujours pas sorti après le déjeuner, vint la rejoindre chez elle, profitant que son père soit parti en mission pour les Vornskr Blanc, une des forces militaires les plus importantes.

"Tu viens avec nous? On va jouer au ruisseau"
"Papa, m'a interdit d'aller là-bas"
"Il t'a encore punis?"
"Il dit que je ne provoque que des malheurs et que je risquerais de salire le ruisseau"
"Alors je reste, les autres n'ont pas besoin de moi"
"Tu veux vraiment? Jez, Tu ferais ça pour moi?"
"Oui"
"Pourquoi?"
"Parce que je t'aime bien"
Le petit garçon aux cheveux et aux yeux noisettes prit sa main dans la sienne.
"Plus tard, je prendrais soin de toi"
Kihaa l'embrassa sur la joue, c'était la première fois qu'on se montrait aussi gentille avec elle.
"C'est promis"

[En avant première, l'acte III des aventures de Kihaa, la particularité de cette partie c'est quand plus d'en apprendre sur la vie de Kihaa, vous découvrirez une légende myrkrienne, inventée par mes soins. Bonne lecture.]


" Et si on jouait aux aventuriers? On pourrait partir à la recherche d'un trésor?"
"Dans la maison?"
"Oui, il doit bien avoir un coffre quelque part."

Kihaa réfléchit un instant, puis elle se leva en sautillant. Jez la regarda sans comprendre, elle lui attrapa la main et le conduisit dans une petite salle en rigolant. Le petit garçon la suivit toujours surpris par la réaction de sa camarade de jeux. Les deux enfants découvrirent un caisson rectangulaire en métal. Il résidait là, posé sur le sol dans une demi-obscurité. Les deux bambins le regardaient avec une certaine admiration, il ressemblait au trésor dont ils entendaient parler dans toutes les histoires de Contrebandiers.

C'était comme le vaillant Aiyor Doa, une légende locale qui aurait découvert dans les profondeurs de Myrkr de l'or, de l'argent et des rubis à profusion. D'après les anciens du village, c'était les vestiges d'un temps ancien, un temps où régnait une puissante reine. Une reine qui était obnubilée par sa beauté et par la peur de vieillir. D'après les Myrkriens,c'est en enfermant toutes ses richesses dans les profondeurs de la planète que la reine pouvait demeurer immortelle. Chaque médaillon, chaque rubis, chaque saphir, chaque diadème étaient garants de sa conservation physique. En enlever un, c'était enlever une parcelle du temps qu'elle avait gagné. Le trésor demeura ainsi pendant deux siècles. Mais quand le brave Aiyor découvrit tous ses précieux objets, il ne songea pas un instant qu'il allait bouleverser cette fragile harmonie. Il commit l'erreur de toucher aux butins. La reine se rendit compte que quelqu'un la volait car elle qui était si belle et si jeune, elle était entrain de vieillir à un rythme ahurissant. Aiyor ne pouvait pas prendre tout le butin, matériellement il en était incapable. Il quitta les lieux plein d'allégresse,inconscient des conséquences d'un tel acte. La reine utilisa son principal espion, la "forêt des murmures" pour découvrir l'identité du criminel. Il ne lui fallut pas plus de deux heures pour savoir que Aiyor était le fautif. Elle laissa croire à l'aventurier qu'il allait profiter de toutes ces richesses. Mais à la tombée du quatrième jour, elle passa à l'attaque. On dit qu'elle se rendit elle-même au village, utilisant une puissance invisible pour pousser, soulever, foudroyer ou même étrangler les résistants qui se dressaient sur son chemin. Arrivée là-bas, elle ne tarda pas à trouver Aiyor. Elle le tua de cette façon: elle lui arracha les yeux "tu ne convoiteras plus", elle lui arracha les mains "tu ne voleras plus" et elle l'acheva en lui arrachant le coeur "tu ne vivras plus". Les villageois implorèrent la clémence de la souveraine. Elle leur donna à une condition: qu'ils deviennent les gardiens de son trésor. La reine récupéra ses biens ainsi que sa jeunesse. Elle regagna les Abysses et plus jamais on ne la revit.

En voyant le coffre, Kihaa se dit qu'elle allait peut-être provoquer la colère de son "Roi" en touchant sans sa permission à un trésor dont elle n'avait d'ordinaire pas accès. Jez n'attendit pas que la petite fille lui réponde pour se précipiter sur le coffre. Il remarqua que celui-ci n'était pas vérrouillié, il n'eut donc aucun mal à soulever le couvercle. Kihaa s'approcha d'un pas feutré, elle regarda avec son compagnon quelle merveille pouvait résider ici. Qu'elle fut sa déception lorsqu'elle comprit qu'il n'y avait ni or, ni pierreries! A la place, il y avait des objets sans aucune valeur: une dague, des jumelles, un databloc, quelques fleurs séchées, un foulard de soie noir et... un portrait? Kihaa, intriguée, saisit le portrait. Sans savoir ni comment ni pourquoi, elle avait l'impression de connaitre la femme qui était dessus.


Elle eut comme une révélation, à ce moment précis elle sut de qui il s'agissait... Sa mère... C'était la première fois qu'elle voyait à quoi elle ressemblait... Jez ajouta presque mécontent qu'il "n'y avait que des babioles!". Kihaa n'écoutait plus, elle tenait le cadre fermement dans ses petites mains et contemplait ce visage à la fois si familier et si étranger. Jez avait tort, elle venait de découvrir son trésor. Les enfants refermèrent le coffre et quittèrent la salle qui d'ordinaire était interdite à quiconque et encore plus à Kihaa. Ils attendirent le retour du père pour demander la permission de sortir. D'habitude la petite fille n'avait pas le droit mais grâce aux demandes polies et suppliantes de Jez, les enfants réussirent à sortir. Kihaa avait gardé dans sa poche son "trésor", elle s'assit sur l'herbe moelleuse et regarda de nouveau l'objet de toute son attention. Une main vint s'emparer de son précieux bien, il s'agissait d'Amanra. La petite peste empêcha Kihaa de récupérer son portrait. Elle s'éloigna de quelques pas avec, avant de rajouter sur un ton méprisant:

- Alors c'est elle? Ta prostituée de mère?

Kihaa ne savait pas ce que ce mot signifiait, en revanche, elle savait au son de la voix d'Amanra et à son intonation qu'il s'agissait d'une insulte. Elle se sentit profondément en colère, oui, en colère contre cette peste qui détruisait la seule image qu'elle avait de sa mère. La petite fille tendit machinalement un doigt vers Amanra, celle-ci fut projetée à terre. Jez, qui regardait la scène, se mit à applaudir. Kihaa comprit pour la première fois que c'est elle qui avait fait ça. Elle tendit de nouveau le doigt, cette fois ci vers le portrait qui était tombée sur le sol, en souhaitant qu'il arrive jusqu'à elle. Et c'est ce qui se produit. Kihaa comprit qu'elle pouvait contrôler ce pouvoir tout comme elle comprit que quand elle était en colère, elle devenait puissante...

- C'est mieux que toutes les légendes! Tu as des pouvoirs, des vrais!
- J'ai pas l'impression qu'ils marchent beaucoup.
- Ca à bien marché contre Amanra, Yurtz la brute et Rooni le débile! Peut-être que c'est grâce à la photo de ta maman
- Tu crois?
- Oui, je suis sûr qu'il faut que tu penses très fort à elle
- Chut!!! Si papa t'entend, je vais avoir des ennuis! Je n'ai pas le droit de parler d'elle.
- D'accord... On pourrait faire une cabane dans la forêt?
- On doit pas s'éloigner du bord.
- Alors on la fera au bord
- Super!

Dans les semaines qui suivirent, Jez et Kihaa mirent toutes leurs forces pour construire un cabanon en bois. Ils passèrent beaucoup de temps sur leurs heures de temps libres et n'hésitèrent pas à se lever tôt les matins. La troisième semaine, les deux enfants se retrouvèrent près de leur projet, ils étaient ravis.

- Regardes, notre chez nous sera bien, on pourra vivre ici!
- Oui!!!!
- Tu continues, moi, maman m'a demandé de rentrer.
- D'accord, je vais chercher du bois pour la porte! Tu ne voudrais pas que tout le monde rentre?
- Non, que toi et moi!

Jez embrassa son amie sur la joue et s'éloigna en traçant son chemin entre les arbres. Kihaa délaissa la cabane pour chercher du bois. Il y avait un endroit où les adultes avaient laissé un gros tas dans lequel tout le monde pouvait se servir. Le tas n'était pas à laurée de la forêt, Kihaa désobéissait mais tout ce qui importait était la cabane. Il fallait maintenant choisir les plus beaux morceaux. Après de longues minutes d'inspections, elle trouva ceux qui fallait. Il était temps de tout installer! En revenant, elle entendit des voix.
La petite fille s'arrêta pour tendre l'oreille. C'était Yurtz le costaud Zabrak et son acolyte Rooni le rodien aux yeux globuleux. Kihaa ne les aimait pas, c'était des amis de Amanra.

- Hé hé hé, la tête qu'ils feront en voyant leur cabane!
- Un beau tas de fumée!

La petite fille tourna ses regards vers l'endroit désigné, de la fumée d'un noir de geai, épaisse comme du métal s'élevait au dessus des arbres. Kihaa lâcha tout ce qu'elle tenait dans les mains... Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle était couchée sur de l'herbe bien fraiche, près de la rivière. Que faisait-elle là? Elle n'en avait aucune idée. Jez arriva en courant, il semblait préoccupé.

- Les adultes sont entrain d'éteindre le feu qui détruit la forêt. Je crois qu'on a plus de maison...Pfff ça tombe mal, maman m'avait donné une clochette pour notre porte! J'ai eu peur que tu sois restée là-bas!
- Non...
- Les grands ont lancé un avis de recherche, Yurtz et Rooni sont portés disparus. Leurs parents ont dis qu'ils étaient partis dans la forêt.

Kihaa ne dit rien, elle ne savait pas où ils étaient mais une sensation étrange lui disait le contraire. A la tombée de la nuit, le chef du village demanda aux habitants de se rassembler sur la grande place. Kihaa et Jez s'y rendirent donc s'en plus attendre.

- J'ai le regret de devoir vous annoncer une triste nouvelle, le petit Yurtz et son ami Rooni ont été retrouvé. Il semblerait qu'ils aient été attaqués par une créature sauvage et qu'ils se soient retrouvés encerclés par le feu. Ils n'ont pas survécu...

Il y eut un tolé d'exclamations épouvantées à l'annonce de la mort des deux enfants du village. Kihaa s'inquiéta, il était déjà tard, son père n'allait pas tarder à rentrer. L'enfant salua son ami et s'empressa de rejoindre la maison familiale. Elle s'occupa de mettre la table et de préparer les plats pour que son père cuisine. Elle s'assit patiemment en attendant le retour de son géniteur. Puis, plus tard, elle entendit du bruit, ça devait être lui. La porte s'ouvrit brutalement laissant apparaitre un père défiguré par la colère. Kihaa était tétanisée, il était furieux après elle mais elle ignorait pourquoi.

- Je sais que c'est toi.

Voyant son père aliéné, son premier réflex fut de courir se réfugier dans sa chambre. Elle n'eut pas le temps de parcourir la moitié de la pièce qu'il avait bondit sur elle. Sa puissante main attrapa sa chevelure pour ensuite la ramener violemment à elle.

- Papa... Je n'ai rien fait... sanglota t-elle sous l'effet de la peur et de la douleur.

Il était inflexible et alors qu'elle était tombée à genoux pour le supplier, il la tira de force à l'extérieur de la maison. Kihaa tentait de se debattre mais lui avançait plus déterminé que jamais. Les yeux de la petite fille était embués de larmes, elle ignorait ce qu'il lui réservait et ça l'angoissait d'autant plus. Il la traina sur le sol jusqu'à un petit, minuscule local en duracier. C'était la remise, Kihaa paniqua de plus bel, il ne l'avait jamais emmener ici.
Son père ouvrit la porte et la poussa dedans sans la moindre délicatesse.

- ça te donnera l'occasion de bien réfléchir. Voila ce qui t'arriveras dès qu'un "accident" ou une catastrophe se produira.

La porte se referma la laissant seule. Les rayons du soleil couchant lui permirent de voir l'espace où elle était prisonnière. Kihaa pleurait, elle ne comprenait pas ce qu'on lui reprochait. Elle aurait voulu être à la place de Jez : avoir un père qui l'aime, une mère attentionnée, elle aurait voulu être normal. La petite fille se recroquevilla, elle avait faim elle avait soif mais elle savait qu'il était inutile d'appeler, elle devrait passer la nuit là. Quand elle se retrouva dans l'obscurité la plus totale, la petite fille eut l'impression d'étouffer. Elle imagina les murs se resserrer. Ce fut la pire nuit qu'elle n'aie jamais vécu, elle fit des cauchemars : elle voyait Yurtz et Rooni courir dans la forêt, ils étaient blessés et effrayés comme jamais. Le feu les poursuivait, ils trébuchèrent. Les flammes se répandirent autour d'eux avant de les ensevelir. Dans les yeux des enfants, Kihaa vit son propre reflet contemplé le massacre. C'est à la suite de cette nuit que l'enfant développa une peur certaine des endroits confinés. Kihaa attendit le matin avec impatience, il viendrait lui ouvrir... C'était son père, il ne la laisserait pas là. Il était en colère hier, aujourd'hui il devait être calme. La petite fille resta accrochée un moment à cet espoir mais il s'avéra que c'était une illusion. Il ne viendrait pas... Elle ne voulait pas restée ici... La petite fille se leva, elle tapa de toutes ses forces sur la porte. Pourquoi lui faisait-il tant de mal? 24h s'écoulèrent, 24 interminables, 24 heures de peur et de douleur. La porte s'ouvrit enfin :

- Plus jamais tu n'utiliseras tes pouvoirs contre les autres...

L'année de ses huit ans s'acheva sans trop d'encombre, Kihaa était restée à distance de tout ce qui pouvait lui attirer les foudres de son père et dans les rares cas où elle s'éloignait un peu, les sanctions étaient immédiates. Le mois qui suivit ses neuf ans fut extrêmement amer aux yeux de la petite fille. Ne voyant plus qu'une fois par semaine Jez, elle passait le plus clair de son temps avec sa créature préférée, l'Ysalimari Atin'Moa. Il était si calme perché sur son arbre. Il aimait les caresses et ronronnait au contact de la fillette. Kihaa voulait vraiment le prendre dans ses bras pour le serrer contre elle. Le vieil homme qui lui avait donné ne lui avait jamais précisé pourquoi elle ne devait pas l'enlever. Alors pourquoi n'essayait-elle pas? Après tout elle pouvait le retirer de son arbre et le remettre après. Personne ne saurait rien... Kihaa détacha Atin'Moa de son arbre, l'Ysalimari poussa un petit cri avant de se terrer dans le silence. La créature ferma les yeux et bientôt il ne bougea plus. Kihaa sentit que ce n'était pas normal, elle se concentra sur son petit protégé, d'ordinaire elle voyait comme une petit boule électrique à travers son corps. Aujourd'hui, il n'y avait plus rien. La petite myrkrienne savait que tout était finit, il ne se réveillerait plus... Kihaa le serra dans ses bras, elle avait rêvé de ce contact plein de douceur et de tendresse depuis un moment mais il eut un arrière gout de tristesse. Atin'Moa était mort. Inutile d'en parler à son père, de toute façon, il ne remarquerait même pas son absence, il ne lui accordait pas d'attention. La petite fille mit Atin'moa sur son épaule, elle partit chercher une pelle dans la remise après quoi elle s'occupa de creuser un trou derrière la maison. Une fois celui-ci suffisamment profond, elle déposa son ami de toujours dedans en y ajoutant un matelas de feuilles pour qu’il puisse faire son voyage vers l’au-delà en toute sérénité. Kihaa ne pleurait pas, elle n’était pas triste plutôt en colère, en colère d’avoir désobéit et perdu son ami. Pourtant quelque chose au fond d’elle se réjouissait, il était partit en lui laissant un cadeau. Lequel ? Elle l’ignorait encore…

La semaine qui suivit cette disparition brutale, le frère de son père vint leur rendre une visite surprise. La famille Rash reposait sur les trois frères : Marschak, Ygo et Gotam. Marschak était le plus jeune des trois frères Rash contrairement à Gotam, le père de Kihaa, il avait fait carrière dans le commerce et avait développé un talent pour le relationnel. Marschak était celui qui s’occupait le plus de restaurer le lien familial entre tous. Ses frères étaient ce qui comptait le plus pour lui, il était capable de beaucoup pour leur bonheur…Il venait tous les deux mois prendre des nouvelles de son frère ainé. Il était conscient que la situation entre son frère et sa nièce était difficile. Les premiers jours se déroulèrent dans la bonne humeur même si Mars comme le surnommait Gotam constatait que la tension était plus que palpable. Les choses semblaient empirées à chaque nouvelle visite. Kihaa et ses pouvoirs étaient de plus en plus complexes à gérer. Mars se demanda comment son frère ferait quand sa fille serait adolescente. Cette idée le travailla beaucoup. En fin de semaine, il y eut une conversation mouvementée à la table des Rash :[/i]

- Alors Gotam, tu vas pas rester solitaire toute ta vie

- Me remettre avec quelqu’un est impossible et tu le sais très bien

- Les femmes sont comme les plantes, elles sont rares, belles et ne demandent qu’à être trouvées.

- Si elles sont toutes comme sa mère, je préfère brûler la forêt.

Kihaa n’apprécia pas cette réflexion, elle n’aimait pas qu’on parle de sa mère de la sorte. La colère qu’elle avait eu à la mort de Atin’Moa n’était pas éteinte, elle ne demandait qu’à être exprimée. En moins d’une minute, tout ce qui se trouvait sur la table explosa. Kihaa soutint le regard de son père. Celui-ci se leva furieux :

- Tu vas voir !

- Attends, calmes toi. Ce n’est pas grave, on va faire un tour tous les deux le temps que tu remettes un peu d’ordre. Sois sans craintes, je m’occupe de tout…

Mars se leva, il fit signe à sa nièce de le suivre. Kihaa ne réagit pas tout de suite, elle était trop occupée à lancer des regards noirs à son père. Puis elle se décida à le suivre consciente qu’il venait de lui sauver la mise. Ils marchèrent silencieusement le long de la rivière. Son oncle était bien calme, cela ne lui ressemblait pas. Mars s’arrêta aux bords de l’eau, il pointa quelque chose du doigt.

- Regardes là, tu vois cette petite créature?

- Non, je ne vois rien

- Approches toi

Kihaa avança jusqu'à avoir le bout de ses bottes dans l'eau, elle se pencha pour apercevoir la fameuse créature. Il n'y avait rien du tout?! Où était-elle partie? L'enfant ne vit pas le reflet de son oncle derrière elle, elle ne vit pas non plus la mine sombre qu'il arborait. Sans qu'elle n’ait le temps de se rendre compte de ce qui se passait, elle était dans l'eau. La froideur de celle-ci la poussa à remonter le plus rapidement à la surface. Kihaa cracha l'eau qu'elle avait avalée en prenant la tasse. Elle n'avait pas pied, heureusement qu'elle savait nager. Ce n'était pas une grande nageuse mais en jouant dans le ruisseau, elle avait apprit à battre des pieds pour rester à la surface.

- Je suis désolé

Kihaa fit un demi-tour son oncle était juste derrière elle, lui avait pied, l'eau lui arrivait à auteur du torse. Pourquoi s'excusait-il? C'était de sa faute à elle si elle n'avait pas fait suffisamment attention en se penchant. Kihaa se retrouva de nouveau sous l'eau, quelque chose la maintenait de force, elle n'arrivait pas à remonter.

- Ton père fait parti des forces de l'ordre, son attachement à la loi l'empêche d'accepter la seule chose à faire. Ta mère lui a déjà gâché la vie, il n'a pas besoin en plus d'être condamné à être malheureux. Ce sera mieux pour tout le monde

Kihaa tentait de se débattre, l'air lui manquait et ses poumons la brûlait affreusement. La panique n'arrangeait rien à la situation...

- Bon sang! Mais qu'est-ce que tu fabriques?!! Lâche-la!

- Va faire un tour, ça ne prendra pas cinq minutes.

- Magnes toi! Lâche-là!

- Je fais ce que tu n'es pas capable de faire

Une détonation retentit, l'oncle de Kihaa tomba inerte dans l'eau froide. Son frère avait tiré avec son blaster, il procédait toujours de la même façon : en premier il avertissait, en deuxième il avertissait une dernière fois et en troisième il agissait en conséquence. La colère et la peur de ce qui aurait pu arrivé l'avaient poussé à tuer son frère. Si celui-ci avait écouté son ainé, il n'en serait pas venu à cette extrémité. La petite fit avait perdu conscience, elle descendait plus bàs dans les profondeurs de la rivière. Une puissante main l'attrapa pour la sortir d'ici. Son père la ramena jusqu'au bord, il l'allongea sur l'herbe humide et commença à la réanimer en tentant de lui faire cracher l'eau engloutie dans ses voies respiratoires. Voyant que ses tentatives ne payaient pas, il redoubla ses efforts. Alors que tout semblait perdue, Kihaa toussa et l'eau avalée ressorti. Son père la changea de position pour éviter qu'elle ne s'étouffe. L'enfant était en état de choc, elle n'avait pas comprit que c'était son oncle qui avait tenté de la noyer, pour elle c'était la rivière qui l'avait emprisonné. Kihaa enlaça son père qui était à genou auprès d'elle. Celui-ci ne répondit pas à cette étreinte, il se contenta d'ajouter d'un murmure

- Je ne fais pas ça pour toi...

Mais Kihaa ne voulait pas entendre, il l'avait sauvée, il avait confirmé ce qu'elle savait : c'était son père, il l'aimait forcément. Il était juste trop timide pour admettre ses sentiments, c'était un guerrier son papa!

- Je ne veux pas d'ennuis avec les autorités…

Même si Kihaa continuait aveuglément de croire que son père tenait à elle, une partie de son esprit enregistra cet évènement, il lui servirait plus tard, il lui servirait à tuer celui qui refusait de lui accorder son amour...

Kihaa se retourna encore une fois dans son lit, le sommeil tardait à se faire attendre… La Myrkrienne ne parvenait pas à trouver le repos, ce qui s’était passé dans la forêt la dernière fois avec Jez occupait son esprit. Ce n'était pas tant cette histoire de "yeux noirs" ou de pouvoirs mais plutôt ce qui avait suivit. Ils s’évitaient presque depuis qu’elle l’avait embrassée ce jour là. D’ailleurs pourquoi avait-elle fait une chose pareille ? Cela avait été plus fort qu’elle, elle avait senti l’appel de ses lèvres, un appel qu’elle n’avait pourtant jamais connu. Elle les avait trouvées douces et agréables, tout à fait à l’image de Jez. Elle avait senti son cœur s’agiter puis s’emballer face à ce nouveau contact. Qu'est-ce que cela signifait? C’était la première fois qu’elle ressentait une telle chose et les mots lui manquaient pour pouvoir la qualifier. Peut-être ne le devait-elle pas… L’orage violent qui éclata dehors manqua de la faire tomber de surprise. Le grondement menaçant du ciel la fit frissonner, elle n’était pas le moins du monde rassurée. La maison était vide, son père s’était absenté sans rien dire excepté les menaces habituelles en cas de manquement aux règles qu’il avait établi. Kihaa s’assit dans son lit, elle observa la pluie se déchainer à travers le hublot de sa chambre. Étrangement le rythme qu’imposait le ruissèlement de l’eau commença à l’apaiser, ses yeux se mirent à papillonner. Seulement à peine trouvait-elle le calme qu’une ombre attisa de nouveau sa peur. Oui, elle avait vu quelqu’un passer près de son hublot. Quelque chose qui ne ressemblait pas à des branchages non loin delà... Le cœur battant la chamade, la Myrkrienne s’enroula dans ses couvertures en prenant soin de s’y camoufler totalement. Elle avait si peur du noir… Si elle avait eu l’occasion, elle aurait déjà allumée toutes les lampes de toutes les pièces mais son père prévoyant l’orage avait coupé le disjoncteur pour éviter d’attirer la foudre sur leur toit se moquant totalement de la peur de sa fille. Kihaa tentait de ne pas céder à la panique mais elle imaginait déjà des créatures abominables hanter la maison et… La jeune fille se mit à trembler, elle venait d’entendre un bruit dans la salle principale. La peur était telle qu'elle était prête à fondre en larme aux premiers signes suspects. Les larmes aux yeux, elle se leva saisit d’épouvante, elle ne devait pas rester dans son lit où ils viendraient la dévorer ! Elle ne voulait pas tourner la tête et se retrouver en face de deux énormes yeux rouges. Les sons suspects semblaient s’élever de la chambre de son père mais elle en était sure, il n’était pas rentré, non, il serait venu constater si elle avait été bien sage. Kihaa décida de rejoindre le salon, elle aurait plus de facilité à se cacher et on ne la trouverait pas de si tôt. Avançant sur la pointe des pieds en prenant soin de ne pas faire de bruit, la jeune fille poussa doucement la porte de sa chambre avant de jeter un œil inquiet dehors. Guidée par son instinct, la Myrkrienne quitta non sans craintes son refuge pour traverser le couloir et regagner le salon. Il semblait tellement grand et tellement sombre ce soir là, l'enfant hésita à s'y engager, à l'heure actuelle, elle n'avait plus le choix. Angoissée elle se décida à avancer. Un pas… Deux pas… Trois pas…

Une silhouette dissimulée sous un long imper noir venait d’apparaître dans son champ de vision. Kihaa terrifiée poussa un hurlement d'horreur alors que tout ce qui était autour d’elle fut projeté contre le mur. La silhouette elle ne bougea pas à l’inverse, elle tourna son regard vide vers la jeune fille. Kihaa dont les yeux commençaient à changer de couleur, pointa son index dans la direction de l’inconnu et lança un éclair. La silhouette tendit la main et absorba l’éclair bleu foncé qui avait jaillit de la main de Kihaa.

- Arrête, je ne suis pas ton ennemie.

La capuche était tombée laissant apparaître à la lueur des éclairs extérieurs, un visage féminin. La voix douce et ferme de l’interlocutrice retint la jeune fille d’attaquer de nouveau. La femme sortit une petite source de lumière tout en s’approchant de Kihaa. Celle-ci consciente des ravages qu’elle venait de provoquer dans la maison s’assit contre le mur. L’étrangère s’accroupit à côté de l’enfant, elle était blonde aux yeux bleu intense, des oreilles légèrement pointues qui donnaient à son visage angélique un petit air espiègle. Ses traits gracieux lui conféraient un caractère magique presque hypnotique.

- Je ne te ferais aucun mal.

Kihaa releva ses petits yeux noisette embrumés par les larmes pour rencontrer le regard franc de la belle inconnue. Voyant que l’enfant était déstabilisée, la femme justifia aussitôt sa présence, la laisser dans la crainte n’était pas la meilleure solution.

- Je suis désolée de t’avoir fait peur Kihaa, je devais m’assurer que tu étais bien seule avant de venir. Ton père n’apprécierait certainement pas ma présence s’il savait d’où je venais et quel genre de femme je suis. Pour les miens je suis un rayon de lune argentée.

- Une lune argentée hein ?

La femme se mit à sourire en voyant l’air soupçonneux de la jeune fille, elle préférait la voir établir un dialogue plutôt que faire tout exploser comme quelques instants auparavant.

- Je ne suis pas un espion de ton père !

Kihaa ne savait pas quoi en penser, cette femme venait de s’introduire chez elle en pleine nuit, dissimulée sous un imper noir, elle avait manqué de lui faire une peur bleue et maintenant elle lui parlait de lune et de rayon…

- Je sais ce que tu penses Kihaa, je le ressens.

La jeune fille fronça les sourcils d’étonnement, cela voulait-il dire qu’elle avait des pouvoirs ? Un coup de tonnerre la fit violemment sursauter, l’inconnue posa sa main sur son épaule pour la rassurer. Kihaa se crispa, à par son père, rare était les adultes qui avaient un contact physique avec elle encore plus ceux qui se montraient bienveillants. Bientôt une sensation douce envahit son esprit, c’était une caresse apaisante, une caresse qui calmait ses craintes. L’enfant avait l’impression de connaître cette femme comme si quelque chose la connectait à elle, quelque chose de si fort mais si indicible…

- Ecoute moi Kihaa, c’est important, je sais dans quelle situation tu es, si je n’étais pas persuadée de te mettre en danger, je t’aurai pris avec moi ne serait-ce que pour la mémoire de … ne serait-ce que pour que tu puisses vivre dans de meilleures conditions.

- Alors emmenez-moi…

La myrkrienne avait répondu instinctivement, elle était prête à suivre une parfaite inconnue même si l’idée d’abandonner son père la perturbait au plus haut point. La belle étrangère sourit tristement avant de répondre d’une voix mélodieuse à la jeune fille.

- Je ne peux pas… Ton père avait quelque chose qui intéresse la personne qui me suit et je suis bien décidée à ne pas lui laisser…

Le tonnerre retentit et Rayon de lune sembla beaucoup moins rassurée, elle tourna la tête vers le mur latéral comme si elle voyait à travers le parabeton. Sa respiration devint plus rapide et sa voix plus tendue :

- Promets-moi de ne parler de ça à personne… Kihaa c’est important, tu dois oublier ma présence, garde ça au plus profond de ton esprit.

L’enfant n’eut pas le temps de lui demander ce qu’elle avait pu récupérer dans les affaires de son père, à vrai dire, la dernière image qu’elle perçut fut celle de l’inconnue qui leva une main vers elle. Le reste ne fut qu’un doux voyage dans le monde des rêves. Un voyage loin de toute angoisse concrête, un voyage où elle pouvait se perdre sans crainte de tomber ou de ressentir. A dire vrai, elle ne ressentait rien et le vide avait quelque chose de rassurant. Lorsque l’enfant rouvrit les yeux, le soleil perçait de ses rayons lumineux le salon. Elle était assise par terre à la même place que la veille. La pièce principale était sans dessus dessous résultat navrant de sa propre peur. Kihaa se souvenait du début de soirée la fin était plus floue, il lui semblait voir un visage dans le flot trouble de ses souvenirs. Un visage avec des yeux d’un bleu intense mais pour le reste, c’était un mystère.

- Le salon ne ressemble plus à rien ! Schutta, tu ne sais qu’apporter ruine et destruction…

Les paroles aussi aiguisées qu'une vibrolame ne pouvaient être que le fruit d'un seul homme... L’enfant fut blessée par les propos de cet homme qu’elle aimait envers et contre tout, elle avait néanmoins l’habitude pourtant chaque mot qui sortait de sa bouche broyait son petit cœur d'enfant. Kihaa se mit à repenser au songe qu’elle avait fait, celui d’un visage bienveillant, un visage près à lui offrir un autre destin et dans son cœur grondait une terrible réalité : la paix n’était qu’illusion, seule la colère était réelle…

Après l’épisode de l’intrusion de rayon de lune, Jez et Kihaa continuèrent à se côtoyer après les heures scolaires. Chacun était dans un institut différent, Jez était dans le public alors que Kihaa avait été placée dans le privé. Son père l’aurait bien gardée éloignée de tout enseignement à moins que la loi ne l’y oblige. Or un décret myrkrien stipulait que tout enfant âgé de 10 ans devait suivre un enseignement planétaire ce qui l’avait contraint à l’y inscrire dès qu’elle avait eu cet âge. Bien entendu l’endroit où était Kihaa ressemblait plus à une prison pour jeunes avec une réglementation stricte qu’à un lieu d’apprentissage éducatif. Les mois passèrent sans qu’aucun changement important ne se fasse ressentir : Jez et Kihaa évitaient soigneusement de parler de l’épisode du baiser et faisaient comme si de rien n’était, Gotam se montrait tout aussi odieux avec sa fille qu’il ne l’avait été depuis qu’elle existait et les dérapages de la myrkrienne continuèrent de plus bel. Arriva l’époque où Jez fit son entrée dans l’académie des forces de l’ordre de Myrkr à l’âge de 15 ans alors que Kihaa fut dirigée vers une académie moins prestigieuse que représentait celle du commerce. Les échanges commerciaux ne l’intéressaient pas plus que ça hormis celui des armes qu’ils évoquaient dans la session de « commerce illégal » mais le reste lui passait au dessus de la crinière. Jez avait sensiblement évolué physiquement et cela n’était pas échappé au regard de Kihaa. Il avait toujours été « mignon », comme l’était Atinmoa mais maintenant elle le trouvait « beau garçon » c’était différent même si elle ne savait pas quel sens y mettre derrière. Ils ne se voyaient plus que le weekend et c’était dans l'ensemble assez distant. Encore plus lorsque Kihaa décidée à parler au le jeune homme des sentiments étranges qu’elle ressentait apprit que Jez s’était mis avec une rouquine. Une certaine Umbre qui avait l’intelligence aussi affutée que la beauté ! Cela mis un sérieux coup d’arrêt à l’envie de la myrkrienne de voir quotidiennement son ami d’enfance. Un jour qu’elle s’était approchée de la forêt, la brune aux cheveux ondulés avait malencontreusement rencontré le couple, l’ambiance avait été pour le moins spéciale. Kihaa n’avait pas bronché alors qu’Umbre racontait la teneur de ses études et faisait l’éloge des qualités exceptionnelles de « Jezzi ». Il n’avait pas osé croiser son regard tout comme elle d’ailleurs ! Après cette rencontre, Kihaa évita les sorties solitaires, pour ce qu’elles lui apportaient non merci ! Les soirs en revanche, il lui arrivait de se réveiller dans un endroit différent de la maison, à croire qu’elle devenait somnambule. C’est qu’elle devait courir pendant son sommeil parce qu’une fois qu’elle se réveillait, elle avait de sacrées courbatures ! La jeune myrkrienne qui avait alors 14 ans se consacra à ce qui lui restait, les études ! Ce n’était pas ce qu’elle désirait faire mais à quoi bon ! Etudier permettait d’échapper à son père qui continuait de lui réserver de mauvaises surprises et puis cela permettait d’oublier Jez, ce qui n'était pas négligeable.

Un matin, au détour d’un couloir de son académie, la jeune fille percuta quelqu’un. Elle se retrouva par terre quelque peu confuse

- Dis, tu peux pas regarder devant toi !

Kihaa qui ramassait ses affaires se confondit en excuses, non mais alors quelle idiote ! Il s’avérait que son interlocuteur était un charmant blond aux yeux bleus. Il devait être dans sa dernière année de commerce, une vingtaine d’année en somme. Du moins s’il n’avait pas redoublé! Dans d’autres circonstances, la jeune fille l’aurait envoyé sur les roses mais elle n’était pas en position de supériorité. Le blond détailla Kihaa qui ramassait ses affaires. Pas mal la jeune ! Il se baissa pour l’aider, enfin faire semblant de l’aider.

- Toi t’es en première année, il n’y à qu’eux pour suivre les cours avec autant d’entrain

- Oui je suis bien…

- Shep et toi c’est quoi ton petit nom ?

- …

- Aller sois pas timide, je vais pas te mordre même si c’est pas l’envie qui m’en manque.

- Kihaa

- Sonorités chaudes, intéressant !

Kihaa était quelque peu troublée par la façon si… spéciale du blond de s’adresser à elle. Est-ce qu’elle lui plaisait ? Ridicule, un garçon comme lui… Il l’attrapa par le bras pour l’aider à la relever. C’est qu’ils étaient très proches là !

- Dis Kihaa, t’es seule ? Je veux dire pas de petit copain ?

-… Non…

- Parce que tu m’as tapé dans l’œil en plus de m’avoir foncé dedans.

C’était surréaliste comme situation, comment pouvait-elle lui avoir tapé dans l’œil ? Un fameux coup de foudre ? Kihaa n’était pas une experte de la question, elle n’avait pas vraiment eu d’éducation sur ce sujet ! Alors que la myrkrienne cogitait sur la démarche, elle sentit les lèvres de Shep venir se poser avec passion sur les siennes, et alors que la surprise la saisissait, la langue de sa rencontre vint s’infiltrer dans son palais. Kihaa se laissa faire, le début était un peu laborieux mais elle se fit rapidement à l’allure et s’étonna même à y prendre gout. Le blond lâcha les lèvres de la jeune fille après avoir entretenu un baiser animé.

- Kihaa, je sens que toi et moi ça va marcher du tonnerre, tu sais j’ai l’œil pour voir ça chérie.

- …

- On peut se voir ce soir ? Pour faire plus ample connaissance !

- C'est-à-dire que je dois rester chez moi et…

- Dis moi où tu habites et je t’y rejoins!

Bien que surprise, Kihaa obéit avec une docilité incroyable, elle lui indiqua le nom de son village, il se trouvait qu’il le connaissait parce que justement il connaissait Umbre ! Tiens donc cette rouquine hautaine ?! Comment un homme comme lui pouvait trainer avec quelqu’un comme elle ? Dans tous les cas, il fut convenu que le jeune homme viendrait par ses propres moyens et qu’il le ferait à partir d’une certaine heure. Si son père les croisait ça risquait de très mal se passer. Mais Kihaa était prête à courir le risque, c’était la première fois qu’elle sortait avec un garçon ! Il semblait vraiment s’intéresser à elle, oui, pour ce qu’elle était, pas pour les ennuis qu’elle lui apporterait. La jeune fille resta rêveuse au milieu du couloir, peut-être que la chance lui souriait ! Et puis elle en apprendrait plus sur son « petit ami » le soir. C’était étrange de s’entendre prononcer une telle chose, oui, elle qui n’en avait jamais eu ! La myrkrienne passa le reste de sa journée à penser à Shep, c’est qu’elle l’avait déjà croisé par le passé et qu’elle l’aimait déjà plutôt bien. Il faisait parfois des discours dans la grande cour, des discours enflammés sur la valeur des crédits et le monde des industries. Un meneur politicien qui avait de l’allure, du charme et une certaine réputation. Et il l’avait choisie elle… A la fin des cours, Kihaa prit une navette pour rentrer chez elle. La ville dans laquelle elle suivait ses études, tout comme Jez, n’était pas très éloignée de leur petit village. La jeune fille constata avec soulagement que son père ne rentrerait pas ce soir, il devait probablement travailler de nuit ! Alors que la nuit tombait à peine, une navette se posa devant chez elle. Kihaa sortit avec une certaine méfiance, les ordres de son père restaient difficilement transgressables ! Shep sortit de son véhicule avec un large sourire aux lèvres.

- Un peu paumé chez toi !

- La maison est légèrement à l’écart du village...

- Ta famille serait pas liée à des trucs louches par hasard ?

- Non, non, non !

- Hey du calme, j’insinue rien !

Encore heureux parce que sinon Kihaa se serait sentie très embarrassée. Non pas qu’il se passait des trucs louches mais que… enfin peut-être que voila certaines choses n’étaient pas normales.

- Tu me fais visiter ou je reste dans le décor ?

Dis comme ça… Kihaa lui fit découvrir sa modeste demeure, tout était impeccable, son père tyrannique n’aurait pas toléré ne serait-ce qu’un objet déplacé. Elle était déjà sous son toit et c’était pas mal, il ne fallait pas trop en demander. Il n’y avait rien d’intéressant ici, non, elle préférait lui montrer le somptueux ruisseau et la magistrale forêt qui bordaient le village. Il lui attrapa distraitement la main pour sortir. Ils passèrent une bonne heure à parler ou plutôt une heure de monologue pour le Blond. Il parlait de lui avec une certaine fierté, un discours très « moi je » mais Kihaa ignorait les tournures parce qu’elle buvait avec délice le moindre de ses mots. Le paysage, lui il s’en moquait, un jet d’eau où les mioches se vautraient dedans, une rivière poisseuse qui devait être plein de saletés en tout genre et une forêt qui ressemblait à un tapis de poils de wookie, il s’en passerait bien ! Du haut d’une colline, ils voyaient la maison en contre bas, Shep remarqua une remise à l’écart… ça par contre ça pouvait être une occasion à ne pas manquer !

- Tu as oublié de me faire visiter ça!

- Ce n’est qu’une remise...

- Oui mais c’est ta remise.

Flattée par l’intérêt que portait son petit ami pour tout ce qui gravitait autour d’elle, Kihaa le conduisit jusque là-bas. Kihaa entra la première, elle eut tout juste le temps d’allumer une faible lumière avant que le blond ne l’embrasse avec fougue. Il repoussa la porte à l’aide de son pied et poussa la jeune fille jusqu’au fond de la pièce très étroite. La myrkrienne se montrait réceptive, elle ne se braquait pas. Décidant qu’ils seraient mieux allongés, Shep la fit basculer par terre avant de se positionner au dessus d’elle. Il continuait de l’embrasser avec passion alors qu’il se collait bien à elle. Kihaa se sentait transportée par une énergie inconnue, quelque chose qui embrasait ses entrailles avec une force inimaginable. La jeune fille ne demandait qu’à découvrir ses sensations nouvelles mais son partenaire ne semblait pas avoir la patience pour vertu. Conscient d’avoir une carte à jouer et tout à y gagner, Shep fit rapidement migrer ses mains une seule idée en tête. Pas question de jouer les explorateurs, il fallait aller à l’essentiel. Fort de son expérience, le blond fit glisser son pantalon et celui de sa compagne avec empressement. Kihaa se laissait faire avec docilité, il menait la danse, elle ne demandait qu’à apprendre les pas. La myrkrienne sentit brutalement une douleur fulgurante la traverser, sans la moindre explication, il venait de s’unir à elle. L’incompréhension redoubla sa douleur et bientôt la peur s’empara d’elle. Kihaa eut un mouvement de recul qui aurait pu être apaisé par quelques paroles rassurantes mais Shep qui était meilleur constructeur que diplomate préféra maintenir fermement la jeune fille et profiter pleinement de la situation. Au cœur de son art, le jeune homme lui adressa la parole d’une voix rauque:

- Dis moi que tu aimes ça…

Voyant que son partenaire prenait un réel plaisir à ce qu’il faisait, Kihaa se sentit honteuse et anormale. Le problème venait forcément d’elle, cela ne s’expliquait pas autrement. Si Shep trouvait son bonheur alors qu’elle ne ressentait pas grand-chose si ce n’est une douleur fulgurante, c’était bien la preuve qu’elle sortait encore une fois de la norme. La jeune fille ferma les yeux et ne tarda pas à répondre à contre coeur:

- Oui…

Elle venait de mentir, mentir pour rentrer dans le rang, mentir pour plaire à l’autre, mentir pour être acceptée tout simplement. Shep s’agitait de plus en plus, il se faisait plus insistant et plus expressif, il arborait un air d’extase qui lui donnait l’allure d’un illuminé. Kihaa attendait en silence que tout se termine. Shep lui mordit brutalement la langue avant de s’immobiliser. Etait-ce finit ? Le grand blond se releva en vitesse, il réajusta sa tenue et se dirigea vers la porte sans un regard pour sa copine.

- On se voit plus tard.

Shep quitta les lieux sans plus attendre, laissant Kihaa seule et totalement démunie. La jeune fille resta allongée sur le sol sans bouger. Elle se sentait mal, il y avait d’un côté cette douleur qui irradiait dans le bas de son ventre et de l’autre, cette chaleur ardente qui l’animait depuis le début, toujours aussi présente. Alors c’était ça faire l’amour avec quelqu’un ? Autant dire que c’était particulier ! La myrkrienne resta bouleversée dans la remise jusqu’à ce qu’il fasse nuit noire. Lorsque Kihaa se releva, elle avait les yeux noirs comme une nuit sans étoiles, elle quitta la remise de façon assez fracassante. Non loin, dissimulé derrière une roche massive, Jez avait été le témoin de la sortie de sa meilleure amie, il fit très vite le rapprochement avec le départ du blond plus tôt dans la soirée. Voyant ça d’un mauvais œil, nul doute qu’il irait parler au bellâtre…

Le lendemain, le futur agent des forces de l’ordre attendait à la sortie d’un cours, d’après ce qui était écrit sur la porte c’était l’ « Histoire du commerce galactique ». Très intéressant… Jez ne connaissait pas vraiment les locaux, ce qui en soit était plutôt normal si l’on considérait le fait qu’il n’étudiait pas ici. Heureusement, il avait été épaulé par Umbre, c’est elle qui lui avait dit où trouver Shep et surtout comment ne pas se perdre dans un tel complexe. Pour ce qui était du Blond, Jez le connaissait. La rousse était amie avec lui et lors d’une sortie en groupe, Jez avait pu admirer le comportement de cet énergumène. Pour faire simple, Jez ne l’aimait pas, encore plus depuis qu’il savait qu’il tournait autour de Kihaa ou plutôt qu’ils étaient ensembles. C’était inadmissible ! Pourquoi ? D’abord parce que sa meilleure amie ne lui en avait pas parlé, encore qu’il pouvait comprendre qu’elle veuille garder anonyme l’identité d’un idiot pareil ensuite, parce qu’ils ne s’étaient rencontrés que depuis la veille et que pourtant ils en étaient déjà venus à des choses plus … intimes ! Rien que d’y penser, Jez était dans une colère noire, Kihaa était plus jeune que lui et beaucoup plus naïve quand à l’intégrité des hommes. Il n’était pas en colère après elle, non, le vrai responsable c’était ce type qui était sensé être majeur ! Un majeur qui profitait de la faiblesse d’une mineure. Oui d’après la loi c’était un détournement ! Non mais celui là, il ne perdait rien pour attendre ! Forcément quand on était un fils à papa qui se préparait à être Haut commissionnaire de la Banque Galactique, on se croyait tout permis ! Une alarme criarde marqua la fin du cours, au même moment des étudiants tous plus âgés que lui sortirent de la salle. Jez repéra Shep, il se mit sur son passage sans plus tarder.

- Shep

- Ah le petit rancor galeux !

- Même malade un rancor peut tuer

- Tu veux qu’on le vérifie maintenant ?

Jez n’avait pas vraiment apprécié la façon dont le blond lui avait répondu. Déjà se faire traiter de « rancor galeux » c’était limite mais si en plus son ainé cherchait la bagarre, il n’était pas sorti de la cantina. Malgré tout, il devait garder son sang froid parce qu’il était dans une situation délicate. Un, Kihaa risquait d’apprendre qu’il s’était battu avec le blond et là ce serait la fin des Vornskr, deux légalement il n’avait rien à faire dans une académie de commerce ! Le blond le savait pertinemment et il en jouait. Jez fit donc abstraction de ses propres sentiments pour en venir au plus important.

- Un autre jour peut-être… Aujourd’hui, je suis là pour Kihaa

- Attend que je réfléchisse…

- Ne joue pas à ça avec moi.

Non ce n’était vraiment pas le moment ! Si Shep voulait faire mumuse avec toutes les greluches de l’académie et bien soit qu’il le fasse mais qu’il ne joue pas avec Kihaa. Il ne le tolérerait pas ! Le blond arbora un sourire triomphant avant de répondre avec un certain plaisir.

- Ah oui la belle brune, un bon coup !

- Arrêtes ça tout de suite!

- Quoi ? Tu n’as pas envie de savoir comment elle écarte les jambes ?

La réaction de Jez fut immédiate, il l’attrapa par le col et s’approcha de lui le regard menaçant. Il avait bon avoir cinq ans de différence avec son rival, cela ne l’empêchait pas d’avoir la capacité physique de se battre. Shep ne fut pas le moins du monde impressionné, il leva un instant son regard vers le plafond pour signaler l’aberration d’une telle situation.

- Je ne te laisserai pas lui manquer de respect ! Alors écoute moi bien, je veux que tu la laisses tranquille, que tu ne la vois plus !

- Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ? Après tout je prends mon pied avec elle.

- Quand elle aura appris l’existence de Holi tu crois qu’elle voudra toujours de toi ?

- Parle lui de ça et je te jure que t’es un homme mort.

- Ne joue pas avec elle, tu ignores de quoi elle est capable !

L’échange commençait à devenir tendu, Shep n’appréciait pas vraiment la remarque que venait de faire Jez. Parce que oui, le brun savait qu’il était déjà avec une fille, une fille qui avait son âge à l’inverse de Kihaa. Ce type se moquait de sa meilleure amie, il ne la prenait que pour un aspect utilitaire, se faire plaisir ! Quand on connaissait la vie relativement compliquée qu’avait la myrkrienne c’était immonde ! Tout ceci allait lui faire du mal… Mais si elle apprenait la vérité, Jez n’osait pas imaginer ce qui pourrait se passer. En attendant, Kihaa n’était pas une chose, elle méritait qu’on la respecte et qu’on prenne soin d’elle. Shep se dégagea de l’emprise de Jez, celui-ci remit ses vêtements en place et commença à s’éloigner.

- De grimper aux rideaux ? J’avais remarqué.

Jez le regarda quitter les lieux, le regard rageur, s’il avait pu il lui aurait mis un bon coup de poing dans le nez. Les gars comme lui n’étaient que des opportunistes, ils utilisaient leur petit prestige pour manipuler les plus jeunes. Le brun cria à l’encontre de son ainé :

- Je t’aurai prévenu !

[Première Partie]

Kihaa n’avait pas eu de nouvelles de Shep depuis plusieurs jours, pour être plus précise, plusieurs jours après leur premier rapport. La jeune fille s’était montrée assez renfermée, elle l’était déjà en temps normal mais là, elle avait fait exploser les records ! Jez avait tenté de la contacter à de nombreuses reprises, elle avait fait la sourde oreille ou celle qui n’était pas là. Elle refusait de le voir ? Un peu… Beaucoup, sans doute craignait-elle qui lise sur son visage ce qu’il s’était passé. Kihaa avait honte non pas de ce qu’elle avait pu faire mais bien d’elle-même. D’autant que depuis ce fameux soir, elle avait des douleurs et des pertes qui la rendaient encore plus coupable. La myrkrienne passait de mauvaises nuits, bien souvent le noir l’empêchait de trouver le sommeil rapidement, suivait alors des phases de cauchemars et de réveils interminables. La journée n’était guère plus réjouissante, elle disparaissait de temps à autre des cours pour atterrir dans des endroits peu probables, à chaque fois, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait ici. Généralement, elle se sentait encore plus fatiguée. Il y avait aussi cette sensation de mal-être, comme si, quelque chose se passait à chaque « absence de conscience ». Pour couronner le tout, son père avait été contacté par son école pour signaler des absences répétées et injustifiées. Cela avait eu le don d’énerver celui-ci, du coup, elle s’était retrouvée consignée dans la remise pendant une semaine. Gotam s’était arrangé auprès de l’école pour leur signaler qu’elle ne viendrait pas. Il venait lui apporter un semblant de repas le soir et vider le sceau dans lequel elle pouvait se soulager. Kihaa assez mal vécut ce moment d’enfermement, déjà parce que c’était la remise, ce qui en soit suffisait pour la rendre complètement angoissée. Ensuite, parce que c’était ici qu’elle avait… fauté. Elle n’avait pas grand-chose pour se divertir dans cet endroit, et puis impossible d’enfoncer la porte en métal. De toute façon, même si c’était grand ouvert, elle ne tenterait pas de s’enfuir, elle aurait bien trop à craindre des représailles. Son père ne lui avait encore jamais tapé dessus mais il l’avait plusieurs fois bousculée fortement : en la tirant par les cheveux, en lui serrant les poignets au point de lui laisser des marques… Elle avait déjà aperçu dans son regard une lueur, quelque chose de profondément déstabilisant qui lui faisait dire qu’un jour, elle prendrait des coups. Encore que Kihaa se disait qu’il ne ferait jamais ça, son père avait des tords, mais à ses yeux ce n’était pas un homme violent. Sur ce point, Jez n’était pas tout à fait d’accord, Gotam l’était dans les mots et dans les sanctions. Quel genre de père enfermerait sa fille, dans le noir, dans une remise? Kihaa taisait bien souvent ce qui pouvait se passer parce qu’elle ne voulait pas charger son père, même si la rancoeur y était et puis, elle ne voulait pas parler de tout ça. La semaine fut terriblement longue, c’était un véritable supplice. Kihaa passait les deux tiers de son temps à pleurer, c’était une explosion de sanglots et de larmes envahissantes qui duraient encore et encore. Parfois elle fouillait un peu dans les outils pour trouver de quoi s’occuper mais le reste du temps, elle se recroquevillait sur cette misérable couchette. Elle songeait à sa mère, à cette femme qui était un véritable fantôme. Elle ne pouvait que difficilement l’imaginer, elle ignorait qui elle avait été, ce qu’elle avait aimé, ce qu’elle faisait… En parler avec son père était impossible par-dessus tout. Le peu de fois où il en faisait référence c’était pour lui faire comprendre que personne ne voulait d’elle. Ainsi elle avait entendu plus d’une fois ce même refrain : « Ta bon à rien de mère a trouvé le bon moyen de ne pas t’élever. En mourant, elle s'est donnée encore une fois le beau rôle». Bien souvent cela fâchait Kihaa parce qu’elle s’était faite une certaine idée de sa mère à partir de ce cadre qu’elle avait conservé. Pour la jeune fille, Najara n’était pas une fuyarde, c’était une femme libre, au caractère bien trempé. Elle lisait dans son regard de la force, de la détermination et une confiance en soi manifeste. Cela ne pouvait pas être autrement, elle le savait au fond d’elle. Son père disait ça parce que la mort de sa mère devait l’affecter, sans doute la jalousait-il tout autant. La myrkrienne aurait tout donné pour pouvoir avoir une mère. Elle donnerait tout autant pour que quelqu’un s’intéresse à elle. Elle ne demandait pas grand-chose au fond ! D’ailleurs, elle était prête à rester enfermer encore une autre semaine si à la place son père pouvait se montrer plus doux et plus attentionné. Malheureusement à mesure que Kihaa grandissait et que son père prenait de l’âge, c’était un déferlement de haine qui venait s’abattre sur sa pauvre petite tête. Parfois Kihaa regardait les objets pointus avec un certain intérêt, l’idée de se faire mal physiquement pour calmer la douleur émotionnelle venait agiter son esprit. Elle se disait même que son père pourrait avoir une révélation… A deux jours de la fin de sa punition, la fillette craqua, ce qui était une tentation venait de devenir une solution. Kihaa posa sa main une planche, de l’autre, elle avait saisit une vibroforeuse, outil dont son père se servait pour percer les matériaux les plus coriaces. Kihaa n’avait jamais été jusque là mais son mental déjà bien affecté par les événements passés l’était encore plus par ceux qui étaient récents. Elle compta jusque trois avant d’activer l’outil. Il y eut bientôt une effusion de sang et de cris. La myrkrienne venait de se perforer la main avec violence, sans doute ne s’était-elle pas attendue à cette douleur, pas plus qu’au visuel qui allait avec. La douleur fut telle que Kihaa perdit connaissance.

Lorsqu’elle se réveilla, elle était dans sa chambre. Une femme était assise prêt d’elle, ce qui manqua de lui faire peur d’ailleurs.

- Ne t’en fais pas. Je suis le docteur Aketa Kiliak, je me suis occupée de soigner ta main.

Kihaa passa son regard des somptueux yeux verts de son interlocutrice à sa main recouverte de pansements de bacta. Le médecin avait des airs durs et pas forcément très entrainants mais la douceur qui émanait de sa voix contrastait avec le reste. Cela rassurait légèrement la jeune fille qui guettait le moindre signe évocateur de son père.

- Si tu me racontais comment cet incident est arrivé ?

Le cœur de la petite s’emballa, elle craignait de devoir révéler la vérité et par delà même la raison de son geste. Elle savait que si elle parlait de la remise, son père lui en ferait baver, il l’avait mis en garde, si elle disait un mot sur ce qui se passait à la maison, plus personne ne l’entendrait. Elle ne voulait pas finir enfermer dans un caisson ou quelque chose de la sorte. Aketa se rapprocha, elle sembla hésiter à poser une main sur le bras de l’enfant, elle se résolut finalement à ne pas le faire. Kihaa formula une réponse rapide, elle devait dire quelque chose au plus vite.

- J’ai voulu forer une planche, j’ai été maladroite.

Il y avait un pourcent de vrai dans cette histoire, mais allons donc, elle n’était pas là pour dire la vérité, elle avait déjà menti… Ce ne serait pas la première fois ! Aketa esquissa un léger sourire de circonstances, cela signifiait beaucoup, en particulier qu’elle ne croyait pas cette version des faits.

- C’est étrange, ton père m’a dit qu’il t’avait fait participé à la rénovation du vaisseau familial et qu’il avait été trop rapide et toi très peu précise.

Le cœur de Kihaa loupa des mesures, elle s’était faite avoir. Si elle contrait son père, cela le faisait passer pour un menteur, ce qui en soit n’était vraiment pas l’idéal. Si elle affirmait avoir donné une fausse version, cela serait tout autant suspect ! Le médecin semblait de toute façon convaincue du mensonge qui régnait autour de cette histoire.

- C’est ce que je disais. J’ai été maladroite…

- Kihaa… Je me suis occupée de ta blessure. Je sais reconnaître une blessure accidentelle d’une blessure volontaire. Tu veux savoir comment ? Il y a tout d’abord la netteté du coup puis l’angle… Sans compter le délai entre la blessure et les soins. Si ce n’est pas toi qui t’es infligée volontairement cette blessure, c’est donc ton père.

- Non ! Il n’a rien fait !

Kihaa avait réagit vivement, il fallait dire que si cette femme se mettait à penser ça et à trop fouiner, ce serait dangereux pour elle deux. Son père avait bien fait disparaître son oncle… Bien sûr celui-ci avait essayé de la tuer, chose qu’elle n’avait pas forcément très bien assimilé, mais il n’en restait pas moins qu’il était mort et que son corps avait littéralement disparu. Cette femme pourrait disparaître elle aussi… Aketa se montrait malgré tout bienveillante, même si son regard était quant à lui assez réprobateur.

- Si c’est vraiment toi, je veux que tu me dises comment tu as fais.

- J’ai pris la vibroforeuse… J’ai mis ma main sur la planche et j’ai activé l’outil dessus.

Kihaa avait regardé ailleurs pour répondre, parce que c’était vrai et qu’elle s’était intentionnellement fait du mal. Cela avait d’ailleurs été plutôt efficace, elle n’avait plus pensé à rien sauf à cette douleur lancinante.

- Pourquoi as-tu fais ça ?

- Je ne sais pas.

Bien sûr que si elle savait mais elle refusait de lui parler, non, non, non… Elle ne devait rien dire même si cette femme la menaçait ou quoique ce soit, elle refuserait. Elle en avait déjà trop dit…

- Est-ce que quelqu’un t’as fais du mal ?

- Non.

- C’est ton père…. Est-ce qu’il t’a frappée ?

- Il ne m’a rien fait !

- A-t-il eu des gestes plus intimes à ton égard ?

Mais qu’est-ce qu’elle était en train de s’imaginer ? Kihaa était vraiment en train d’angoisser, cela devait se voir, elle était plus agitée, sur la défensive et pas forcément très convaincante à protester de la sorte. Aketa semblait de plus en plus persuadée que le père de l’enfant lui faisait subir des mauvais traitements, elle ne savait pas de quelle nature, mais elle avait bien assez vu de cas similaires pour en reconnaître les symptômes.

- Gardez vos immondices pour vous docteur ! Je vous prierais de ne pas insulter ma fonction.

Aketa observa Kihaa se recroqueviller légèrement avant de poser son regard sur Gotam qui avait tendance à délaisser sa barbe naissante. Le médecin toisa assez sèchement le représentant de l’ordre avant de répondre avec dureté.

- C’est bien souvent ceux qui se cachent derrière la prétendue loi qui sont les premiers à la transgresser.

Gotam prit un air plus menaçant, il fallait dire qu’elle cherchait celle là ! Kihaa ne disait rien, elle savait que son père était en pétard et se manifester ne pouvait pas améliorer les choses. Elle espérait seulement qu’Aketa se calme pour éviter d’empirer la situation déjà bien compliquée.

- Que faites vous subir à cet enfant ? Ne me dites pas rien, elle est tétanisée.

- Vous feriez mieux de la boucler !

Aketa se mit debout pour être face à ce qu’elle prenait pour un tortionnaire, n’importe quel parent innocent pouvait réagir par de la colère mais celui-ci le faisait parce qu’il savait qu’elle avait raison. Elle n’était nullement impressionnée, l’intimidation n’avait aucun effet sur elle.

- Dans le cas inverse ? Vous allez me taper dessus ?

- Sortez de ma maison avant que je ne vous embarque pour manque de respect sur un représentant de l’ordre.

Le médecin était dégouté, oui, parce que des hommes comme celui-ci pouvaient commettre tranquillement leur méfaits sans que personne ne s’inquiète. Mais oui, qui irait s’intéresser à la vie d’une fillette d’un petit village myrkrien ? Peu de monde, parce qu’au fond beaucoup s’en moquait. Même en remuant les organisations s’occupant de ce genre de problèmes, elle n’arriverait pas à grand-chose. Celles-ci étaient déjà dépassées par les soucis de la métropole alors les histoires de village… Quant aux preuves, elle n’en avait aucune, ce n’était que des hypothèses, et des constatations de terrain. Tout cela n’avait aucune valeur.

- Vous avez tort de vous croire intouchable. Nous nous reverrons.

Le médecin finit par quitter la chambre sous le regard assassin de Gotam, Kihaa craignit même un instant qu’il saisisse l’objet le plus proche pour la frapper. Il n’en fit rien. Lorsqu’il posa de nouveau son regard sur elle, l’enfant se sentit envahit par une peur tenace. Devait-elle s’attendre à une punition redoutable ? Gotam ne dit rien, il partit en claquant la porte. La myrkrienne songea à toutes ses femmes qu’elle croisait, ses femmes qui lui donnaient un peu de chaleur humaine. Elle finit par se cacher sous les couvertures en pleurant. Il n’y avait plus personne, plus d'Atin’Moa, plus de Jez… Plus rien. Si elle avait été plus maligne, elle aurait sans doute utilisé la vibroforeuse de façon radicale. Pourquoi pas directement à la tête ? C’était peut-être les premières idées suicidaires qui venaient hanter Kihaa. En cours d’après midi, on toqua à sa porte. La fillette n’eut ni la force de répondre, ni de se redresser. Jez venait de rentrer, il avait appris ce qui était arrivé. Ses parents connaissaient Aketa alors rien de plus normal. Le jeune homme s’assit sur le lit, il ne savait pas comment c’était arrivé mais pour lui, il ne faisait aucun doute que ce n’était pas un accident.

- Kihaa…

Jez tira doucement les draps pour pouvoir la voir, il eut le cœur sur la main en la voyant aussi démunie. Jez se glissa dans le lit, de toute façon, son père n’irait pas trop le chercher, il était partit on ne sait ou pour faire on ne sait quoi ! Kihaa ne chercha pas à le repousser, alors, il se colla à elle pour la prendre dans ses bras. La fillette finit par se retourner pour que l’étreinte soit totale, elle posa sa tête contre son cou en tentant de limiter ses pleures. Jez déposa quelques baisers doux sur son front, il était furieux après tous ces hommes qui lui faisaient du mal. Cet enfoiré de Shep qui n’avait fait qu’aggraver les choses et cet ignoble père qui semblait persécuter sa fille juste par envie sadique. Elle n’était pourtant pas mauvaise sa Kihaa ! Non, c’était une fille géniale qui regorgeait de richesses et de qualités. Les larmes de la myrkrienne avait cessé, Jez la trouvait d’ailleurs toujours aussi belle, elle l'était dans n'importe quelles situations... Kihaa remonta sa tête pour être juste en face de son ami, elle finit par attraper ses lèvres, cela ne dura pas longtemps, mais ce fut si doux et si délicat... Jez y avait répondu, il ne l’avait pas repoussée… Après ce baiser, Kihaa replaça silencieusement sa tête contre lui. Le jeune homme avait la respiration courte, il eut même envie de caresser lentement son corps… Jez secoua la tête, tout ceci était complètement insensé, elle avait fait ça parce qu’elle était déboussolée, et lui, il était avec Umbre! Kihaa de son côté appréciait d’être enlacée, à vrai dire, elle l’avait embrassé naturellement et à présent, elle ressentait cette même chaleur qu’elle avait pu sentir avec Shep. Une chaleur plus forte encore... Mais pour le résultat que ça avait donné la dernière fois, elle allait éviter ! Jez se contenta de rester à ses côtés, en tant qu’ami, que soutien… Elle en avait besoin. Deux heures s’écoulèrent ainsi, deux heures de tendresse et de complicité silencieuse. Jez finit par laisser Kihaa à regret, il n’avait pas le choix, d’une parce que sa famille l’attendait et de deux, si son père rentrait et qu’il le trouvait dans le lit de sa fille, cela ferait mal, très mal. La myrkrienne passa une nuit plutôt correct en dépit des circonstances, elle ne quitta ni son lit ni sa chambre. Aucun repas en perspective, aucune visite et quelque part, ça n’était pas plus mal. Par moment son esprit oscillait entre haine profonde contre ce père détestable et amour naïf, si elle avait parfois envie de lui hurler toute la colère qu’elle portait en elle et qui dormait en profondeur, elle se retenait enchainée à une certaine forme de tendresse. C’était révoltant, frustrant et déstabilisant. Suite à cet épisode, Gotam laissa une semaine de répit à sa fille. Pendant sept jours, elle eut le droit de rester dans sa chambre sans sollicitations excessives ou reproches infondées, pendant sept jours, elle connut des attentions particulières, des soins, des repas... Certes, son père se faisait très peu bavard et le moindre de ses gestes était accompagné d’une obligation non feinte mais en attendant, il s’occupait d’elle.

Puis il fut temps de regagner les cours, Kihaa réintégra son école, ce fut aussi l’occasion de croiser Shep au détour d’un couloir.

- Salut ma beauté sauvage, toujours partante à ce que je vois.

Kihaa chercha à l’embrasser mais il feinta pour qu’elle l’embrasse sur la joue. Voyant le trouble de la jeune fille, il la prit par le poignet pour la conduire jusqu’aux toilettes. Une fois enfermé dans une cabine en sa compagnie, il l’embrassa à pleine bouche.

- Il ne faut pas que les autres l’apprennent. S’ils savaient tu aurais des ennuis, tu sais je suis quelqu’un de très prisé. Les gens comme moi attirent les jaloux.

La jeune fille comprenait, c’était un moyen de les protéger tous les deux. Au fond, il s’en faisait pour elle, c’était plutôt adorable de sa part. Shep colla Kihaa contre le mur de la cabine, en moins de temps qu’il ne fallait, il était déjà en train de la déshabiller. La myrkrienne se laissa faire, elle redoutait l’union qui pourrait en découler mais elle ne voulait pas pour autant le repousser, il s’intéressait à elle, il l’aimait… Shep sembla plus disposé à accorder du temps à Kihaa, peut-être voulait-il compenser son absence ou peut-être avait tout simplement des envies plus élargies. La myrkrienne découvrit des caresses qui bien que grossières la firent soupirer, c’était nouveau… Mais pas forcément désagréable. En retour il la sollicita pour d’autres envies masculines qu’elle accomplit sans broncher. L’union qui suivit fut néanmoins aussi laborieuse pour la fillette que la première. Même si cette fois, elle était préparée, elle n’avait pas pu faire autrement que de se contracter. Shep en barbare de première n’avait rien trouvé de mieux à faire que de forcer le chemin, il obtint donc des résultats plus que satisfaisants pour sa part mais Kihaa resta encore une fois sur le carreau. Elle avait mal, plus encore que la première fois, quant à son désir, il restait profondément frustré. Shep déposa quelques baisers après avoir terminé ce qu’il avait à faire.

- A une prochaine !

La jeune fille resta là quelques temps, au point d’être en retard dans les autres cours. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle appréciait le début de l’échange et qu’à chaque fois que ça devenait sérieux, elle ne faisait qu’avoir mal. C’était définitif, son père avait raison, en plus d’être anormale, elle n'était pas douée pour grand chose. Elle ne dirait rien à Shep, elle avait bien trop peur de perdre son amour. En vérité, Kihaa était punie pour son ignorance, elle ne connaissait pas son propre corps, elle n’utilisait aucune protection ce qui suffisait à lui faire courir bons nombres de risques et pour terminer, elle n’avait aucune notion concrète de ce que pouvait être la sexualité. Tout ceci la perturbait tellement qu’elle passa totalement à côté des examens de la journée. De toute façon, le commerce ne la passionnait pas des masses pour ne pas dire très peu. Il n’y avait guère que le « commerce illicite » qui suscitait un quelconque intérêt. Les jours s’enchainèrent de la même manière, Shep venait la retrouver le temps d’un échange dans les toilettes, échange qui bien souvent n’était concluant que d’un côté. La mascarade dura encore quelques semaines jusqu’au jour où tout bascula…

Au détour d’un couloir, Kihaa découvrit Shep en train d’embrasser à pleine bouche une grande blonde. La myrkrienne revint rapidement sur ses pas avant de s’adosser contre le mur le plus proche. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle avait vu et pourtant… C’était bel et bien Shep, il n’y en avait qu’un qui arborait des chaussures rouges arborant son prénom ! Et cette… C’était le genre de fille à la mode, aux formes généreuses, à la démarche pulpeuse et au sourire ravageur. Comment pouvait-elle lutter contre une icône pareille ? Kihaa avait du mal à respirer, d’autant que les larmes montaient en même temps que le sentiment d’une trahison incommensurable. Depuis combien de temps tout cela durait-il ? La myrkrienne prit sur elle pour observer une dernière fois ce couple si blessant. Shep l’enlaçait, il déposait de temps à autres des baisers sur son cou, remontant progressivement vers ses lèvres. Il n’avait jamais assumé sa liaison avec elle… Il avait toujours dit que cela pouvait créer des tensions de la part de personnes mal intentionnées… Kihaa sentait quelque chose en elle se délivrer, la sensation lui donna froid dans le dos. Il fallait qu’elle sorte… Rapidement. La jeune fille lâcha ses affaires avant de détaler en courant dans la direction opposée. Personne ne revit Kihaa avant le matin suivant. Elle s’était réveillée dans un entrepôt, à la bordure de la ville. L’odeur lui donna la nausée, c’était pire qu’une décharge vulptérienne ! Il lui fallut lutter pour ne pas vomir le plus profond de son âme. Les lieux étaient pour le moins désert, quelle idée avait-elle eu de venir ici ! Et bien à vrai dire, elle l’ignorait, elle se revoyait dans le couloir aux milieux de futurs experts du commerce, après, ce n’était plus qu’un trou noir… En revanche, si elle se souvenait bien d’une chose, c’était cette vision de Shep avec cette fille blonde. Il l’avait purement et simplement trahi. Maintenant restait à déterminer jusqu’où allait sa trahison. Peut-être que ce n’était pas aussi grave. Peut-être qu’il s’était entiché d’une potiche pour faire taire des rumeurs mais qu’il l’aimait elle ? Kihaa quitta les lieux avec plus de facilité que prévu, elle semblait connaître l’endroit mieux qu’elle ne l’aurait cru. Pourtant elle n’était jamais venue, elle en était persuadée ! Une fois rentrée à la maison, ce fut un torrent qui s’abattit sur elle ! Gotam avait eu une très mauvaise journée alors avoir un message des titulaires de Kihaa pour le prévenir qu’elle avait encore une fois disparu dans la nature, cela ne lui plaisait pas vraiment. Aux premières attaques verbales, Kihaa riposta, elle était elle aussi à prendre avec des pincettes, il fallait dire que si jusque là elle faisait profil bas, la trahison de Shep était une blessure sans égal. Il y eut des effusions de voix dans toute la maison : Gotam ne supportait pas le comportement de sa prétendue fille, Kihaa pour sa part laissait ressortir tout ce que ce père indigne avait pu lui faire faire. La dispute se dégrada tellement que la jeune fille pointa un doigt accusateur, doigt qui fut suivit par la rangée de couteau stockée plus loin. Kihaa fila rapidement dans sa chambre, elle ne se fit pas prier pour claquer la porte et la bloquer de l’intérieur, il fallait dire qu’elle avait manqué de scalper son père… Gotam vociféra des menaces intelligibles depuis le salon pour la mettre en garde. La myrkrienne se laissa tomber rageusement sur son lit avant de s’enrouler et de songer à Shep. Une lueur étrange se dessina dans ses yeux. Elle lui ferait payer en conséquent…